La Relativité Générale*

 

Thibault Damour

Institut des Hautes Etudes Scientifiques, 35, route de Chartres, F-91440 Bures-sur-Yvette, France

*Texte d'une conférence donnée le ler juillet 2000 dans le cadre de l'Université de tous les savoirs

( transcription HTML par J. Fric qui endosse la responsabilité des erreurs qu’il aurait pu introduire, en cas de doute se reporter à l’original en format PS, référencé sur le même site )

 

On résume le contenu intellectuel de la théorie de la relativité générale d'Einstein, qui a été une des grandes révolutions conceptuelles du 20ième siècle.  Les prédictions les plus remarquables de cette théorie qui conçoit l'espace-temps comme une structure "élastique" sont discutées: ondes de déformation de l'espace-temps, big bang, trou noir, big crunch. On présente le statut de la théorie d'Einstein dans la physique d'aujourd'hui.  Pour conclure, on indique le rôle clef que cette théorie semble jouer dans la construction, en gestation, d'une description théorique synthétique des interactions de la physique.

 

 

AVANT LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE

 

Rappelons d'abord la conception de la réalité physique à la fin du 19ième siècle.  La description de la réalité était conçue à travers quatre catégories fondamentales, bien séparées les unes des autres: (1) l'Espace, (2) le Temps, (3) la Force, et (4) la Matière. 

L'Espace et le Temps définissent les "cadres d'existence", c'est-à-dire le "contenant", de la réalité physique. 

Le "contenu" est décrit comme de la Matière en évolution sous l'influence d'interactions conçues comme des Forces. 

 

L'Espace était conçu comme: tri-dimensionnel, donné a priori, muni d'une géométrie euclidienne, et définissant la notion de repos absolu. 

 

Le Temps était: uni-dimensionnel, donné a priori, muni d'une géométrie euclidienne (mesure des durées), et conçu comme ayant la même structure que le temps psychologique, c'est-à-dire consistant d'un "instant présent" qui coule continuellement entre un "passé" qui n'est plus et un "futur" qui n'existe pas encore. 

 

La Force était conçue comme causée par la création, dans tout l'espace, par la Matière de certains "Champs" (champ gravitationnel, champ électromagnétique).  La description théorique du champ électromagnétique (due à Maxwell) était un magnifique accomplissement qui avait unifié les concepts de champ électrique, de champ magnétique et de lumière (= onde électromagnétique).  La description du champ gravitationnel (qui remontait à Newton et Laplace) était moins riche et supposait (de façon problématique) que la force gravitationnelle se propageait d'une manière instantanée (à vitesse infinie). 

 

La description de la Matière était en progrès constant à la fin du 19ième siècle: elle incorporait l'idée que la Masse (ou "Quantité de Matière") était constante (Lavoisier), et que la matière ordinaire était faite d'environ 90 éléments chimiques simples (Mendéléev): malgré une forte résistance, l'idée que la matière était ultimement décomposable en "atomes" indivisibles devenait de plus en plus convaincante (grâce à la Chimie, mais surtout grâce aux travaux de Boltzmann en thermodynamique statistique).  En 1897, Thomson découvrit « l'électron », qui allait devenir la première "particule élémentaire".

 

En 1905, Einstein (après d'importants travaux de Lorentz et de Poincaré) apporta un premier bouleversement conceptuel des 4 catégories fondamentales de la physique du 19ième siècle, à travers sa théorie de la "relativité restreinte".  Cette théorie unifie les deux catégories séparées d'Espace et de Temps en une nouvelle catégorie: celle d'Espace-Temps.  L'Espace-Temps est quadri-dimensionnel, donné a priori, et muni d'une géométrie de Poincaré-Minkowski.  Il définit le cadre d"'existence continuée" (c'est-à-dire de l'existence conçue dans toute sa durée) de la réalité.  La "géométrie" (ou plus précisément "chrono-géométrie") de Poincaré-Minkowski d'un espace-temps à 4 dimensions est définie par une généralisation du théorème de Pythagore: pour un triangle rectangle dont tous les côtés sont "dans l'espace" (ou "du genre espace") le carré de l'hypothénuse est la somme des carrés des deux côtés de l'angle droit, mais pour un triangle rectangle dont un côté de l'angle droit est aligné dans une direction "dans le temps" (ou "du genre temps") le carré de l'hypothénuse est la différence entre le carré du côté du genre espace et le carré du côté du genre temps [mesuré en "unité de lumière"; par exemple un intervalle de temps d'une seconde doit être mesuré en seconde-lumière (= 299792458 mètres) avant d'être combiné avec la longueur d'un côté spatial]. 

 

Notez que l'Espace-Temps est essentiellement une généralisation des "diagrammes de trains" que l'on utilisait autrefois pour résoudre les problèmes de rencontre de trains parcourant une même voie, en sens inverse, à des vitesses différentes, après être partis de gares différentes à des heures différentes.  Dans un tel diagramme l'espace (unidimensionnel) mesuré le long de la voie est représenté comme un axe horizontal (axe des "x") et est combiné avec un axe vertical ("y") servant à représenter l'écoulement du temps.  Le plan (x, y) est alors un Espace-Temps bidimensionnel qui permet de représenter par une succession de lignes l'histoire du déplacement de chaque train.  Un train au repos dans une gare est représenté par une ligne verticale, alors qu'à un train en déplacement correspond une ligne inclinée dont la pente dépend de la vitesse du train.  L"'événement" de la rencontre des deux trains (supposés être sur des voies parallèles, proches mais distinctes!) correspond alors à l'intersection des deux "lignes d'espace-temps" (généralement appelées "lignes d'univers") représentant l'histoire du mouvement des trains. 

Pour passer d'un tel "diagramme de trains" à l'Espace-Temps einsteinien il suffit:

(i)            de rajouter deux autres dimensions spatiales ("horizontales"),

(ii)          de gommer la distinction entre les directions spatiales et la direction temporelle (en effaçant les axes de référence pour ne garder que les lignes d'univers), et

(iii)        de munir tout couple de points-événements dans l'Espace-Temps d'une notion d"'intervalle", c'est-à-dire de longueur (au carré) compatible avec la généralisation du théorème de Pythagore mentionnée ci-dessus.  C'est cette notion d"'intervalle" qui définit la "chrono-géométrie' (mesure combinée des durées et des longueurs) de l'espace-temps (note 1).

 

L'Espace-Temps de la Relativité Restreinte a apporté plusieurs bouleversements des anciennes catégories:

(i)            Espace et Temps ont été unifiés sous l'augure de la nouvelle catégorie d'Espace-Temps,

(ii)          l'existence de l’instant présent" (du "maintenant") comme portant la seule réalité de l'étant est fortement mise en doute car il devient incompatible avec la structure géométrique de l'Espace-Temps de sélectionner une famille de "tranches" horizontales correspondant à "l'écoulement du temps", et

(iii)        les catégories anciennement séparées de Force et de Matière subissent une unification partielle à travers la célébrissime équation d'Einstein (E = Mc²) identifiant (au facteur numérique c² prêt, où c dénote la célérité de la lumière) l'énergie E (naturellement associée au concept de Force d'interaction) avec la masse M (qui mesure la "quantité" de Matière).  On parlera de "masse-énergie" pour désigner ce nouveau concept unifiant M et E/c².

 

 

LE CONCEPT DE CHAMP ESPACE-TEMPS

 

Malgré les importants bouleversements catégoriels apportés par la théorie de la relativité restreinte, cette théorie ne touche pas au caractère "absolu", c'est-à-dire donné a priori et indépendant du contenu matériel, qu'avaient, avant lui, les deux concepts d'Espace et de Temps.  En fait, l'Espace-Temps d'Einstein-Poincaré-Minkowski (1905-1908) reste un cadre d"'existence continuée" donné de façon a priori, et muni de structures géométriques rigides, qui restent "les mêmes" partout et toujours, indépendamment de la présence de matière.  Par exemple, le théorème de Pythagore généralisé reste vrai partout et toujours dans l'Espace-Temps.  De même, on peut formuler (après définition convenable de la notion d"'angle" dans l'Espace-Temps) un théorème de Thalès-Euclide généralisé disant que la somme des angles d'un triangle est, toujours et partout, égale à 180° (= deux droits =  radians). 

 

Einstein sentait intuitivement que ce caractère absolu de l'Espace-Temps était physiquement inacceptable.  Son idée était que comme l'Espace-Temps influe la Matière et les champs de Force (par exemple en "obligeant" une particule libre à aller "tout droit", c'est-à-dire en ligne droite et à vitesse constante, dans l'espace-temps, et en "obligeant" un champ statique à décroître comme l'inverse du carré de la distance), il devait aussi exister (par un principe généralisé d'Action et de Réaction) une influence en retour de la Matière et des Forces sur la structure de l'Espace-Temps.  Il a pu formuler cette idée intuitive sous forme mathématique en généralisant au cas d'un espace-temps quadri-dimensionnel le concept d"'espace courbe" introduit au 19ième siècle par Gauss et Riemann. 

 

On définit un Espace-Temps Courbe comme étant une structure quadridimensionnelle qui, dans chaque petite "région" de l'espace-temps (c'est-à-dire au voisinage de chaque événement) a la même structure géométrique que l'Espace-Temps de Poincaré-Minkowski.  En d'autres termes, on suppose, par exemple, que le théorème de Pythagore, et le théorème de Thalès-Euclide, sont (approximativement) vrais pour tout triangle assez petit, quelle que soit sa position dans l'espace-temps.  Un tel Espace-Temps Courbe est donc localement semblable à un petit morceau d'Espace-Temps de Poincaré-Minkowski (maintenant appelé "Espace-Temps Plat"), de la même façon qu'une surface courbe dans l'espace euclidien habituel (par exemple, la surface d'une sphère) est localement semblable à un petit morceau de plan (en effet, au voisinage de tout point P, on peut quasiment identifier un petit morceau de surface courbe à un petit morceau du plan tangent en P à la surface). 

 

On définit alors la notion de "Courbure" comme la mesure locale de la différence résiduelle entre la géométrie "presque plate" au voisinage d'un point et la géométrie euclidienne habituelle. Par exemple, on peut utiliser la violation du théorème de Thalès-Euclide pour définir la notion de courbure.  On définit la valeur de la courbure (moyenne) C de l'espace dans un petit triangle (d'angles ) comme étant la valeur limite (quand le triangle devient très petit) du rapport  entre la différence entre la somme des angles et deux droits, , et l'aire A comprise dans le triangle.

 

Cette définition s'étend au cas d'un Espace-Temps Courbe en utilisant la généralisation de la notion d'angle à la géométrie de l'espace-temps.  Il est important de noter que la notion de courbure C de l'espace-temps se trouve ainsi définie uniquement à partir de quantités qui peuvent être mesurées dans l'espace-temps.  On peut (et on doit) donc concevoir la "courbure" C de l'espace-temps de façon purement interne, sans imaginer que notre espace-temps quadri-dimensionnel soit une sorte d'hypersurface courbe plongée dans un espace-temps plat à 5, ou plus, dimensions.  Pour donner un exemple concret, on peut mesurer la courbure d'espace-temps dans notre système solaire en réalisant un triangle d'espace-temps fait de lignes "droites" joignant trois événements A, B, C où, par exemple, A et B sont deux événements (séparés dans le temps) sur la ligne d'espace-temps définie par le mouvement de la Terre, et où C (le troisième sommet du triangle) est un événement (sur la ligne d'espace-temps définie par le mouvement de Mars) correspondant à l'arrivée sur Mars d'un rayon lumineux émis en A depuis la Terre, suivi de la réémission immédiate (par un détecteur/réémetteur) d'un rayon lumineux dirigé vers la Terre (et intersectant la ligne d'espace-temps de cette dernière en B).  On démontre que les trois côtés du triangle ABC sont physiquement réalisés comme les trois segments de lignes "droites" ("géodésiques") suivants: le côté AB s'identifie à un morceau de la ligne d'univers de la Terre, alors que les côtés AC et CB sont tracés dans l'espace-temps par les rayons lumineux échangés entre la Terre et Mars.  Rien ne permet a priori d'affirmer que la somme  des angles de ce triangle d'espace-temps soit numériquement égal à   En fait l'expérience (ou plus exactement l'interprétation théorique d'autres expériences faites en "traçant", au moyen de rayons lumineux, des figures plus compliquées que des triangles entre les lignes d'espace-temps de la Terre et de Mars) a montré que la différence  était non nulle et de l'ordre du cent millionième (10-8).

 

La théorie de la relativité générale d'Einstein permet de comprendre ce fait (qu'elle avait prédit).  Le postulat fondamental de cette théorie est que toute présence de masse-énergie dans l'espace-temps influe sur sa chrono-géométrie en la "déformant" depuis son état "au repos" (chrono-géométrie de Poincaré-Minkowski) valable dans un espace-temps vide de matière, jusqu'à un état "courbe", c'est-à-dire une chrono-géométrie dont la courbure n'est pas nulle.  Plus précisément, Einstein postula un lien quantitatif précis disant essentiellement qu'en chaque point P de l'espace-temps la courbure C = de l'espace-temps au voisinage de P est égale (en moyenne et à un facteur numérique près, k qui vaut approximativement  Glc² où G est la constante de gravitation) à la densité volumique  de masse-énergie en P ( = masse-énergie/volume).  Cette équation d'Einstein, C = k., définit complètement la théorie de la relativité générale. [L'écriture technique habituelle de la théorie d'Einstein contient des objets mathématiques plus compliqués (tenseurs), mais est en fait équivalente à cette formulation simplifiée, si on considère des moyennes sur des "tranches spatiales" de l'espace-temps, (note 2)]

 

Conceptuellement le point le plus important est que la relativité générale opère ainsi une unification en profondeur des 4 catégories anciennement séparées.  En effet la chrono-géométrie de l'espace-temps a perdu son caractère absolu et "rigide" pour devenir une structure "élastique" (ou "flexible") qui est influée (en particulier, "courbée") par la présence de masse-énergie (c'est-à-dire de matière et/ou de force).  En physique, toute structure répartie dans tout l'espace et le temps et qui peut être modifiée et/ou engendrée par la présence de matière s'appelle, génériquement, un "champ".  La théorie d'Einstein affirme donc que la chrono-géométrie de l'espace-temps est un "champ" modifié par toute présence de masse-énergie ( note 3).  Dans ce "champ chrono-géométrique de l'espace-temps engendré par la présence de masse-énergie" se trouvent unifiées les 4 catégories d'Espace, de Temps, de Force et de Matière.  En fait ce "champ espace-temps" (pour être bref) réalise encore une autre unification.  En effet, Einstein a montré que sa théorie du "champ espace-temps" contenait, en première approximation, la vieille théorie de Newton-Laplace du "champ gravitationnel".  Newton concevait la gravitation comme une force créée, par exemple, par la présence du Soleil qui dévie sans arrêt une planète de sa ligne d'univers "naturelle" qui serait une ligne droite dans un espace-temps plat (c'est-à-dire une ligne droite parcourue à vitesse constante).  En revanche, Einstein conçoit la gravitation comme un mouvement "naturel", qui suit les lignes les plus droites possibles d'un espace-temps "déformé" ("courbé") par la présence de masse-énergie dans le soleil.

 

 

L'ESPACE-TEMPS ELASTIQUE

 

Regardons de plus près le nouveau concept einsteinien de champ espace-temps s'identifiant au champ gravitationnel.  L'idée essentielle est que la structure chrono-géométrique de l'espace-temps (c'est-à-dire la structure qui sous-tend toutes les mesures que l'on peut faire de durées et de distances) n'est plus une structure rigide, donnée a priori, une fois pour toutes, mais est devenue un champ, c'est-à-dire une structure "élastique", ou "flexible", qui est créée et/ou déformée par la présence d'une densité volumique de masse-énergie (C = k. ).  Ce champ d'espace-temps décrit à la fois la variabilité de point en point de la chrono-géométrie et tous les effets gravitationnels (par exemple l'effet à distance de la Terre sur la pomme, de la Terre sur la Lune, ou du Soleil sur la Terre).

L'exemple le plus simple d’élasticité" de la chrono-géométrie de l'espace-temps est l'effet de la proximité d'une masse sur la "vitesse d'écoulement local du temps".  En termes concrets, si vous séparez deux jumeaux à la naissance, l'un restant à la surface de la Terre et l'autre allant vivre au sommet d'une très haute montagne (c'est-à-dire plus loin du centre de la Terre), et si vous les réunissez après 100 ans, le jumeau "montagnard" sera plus vieux (aura vécu plus longtemps) que le jumeau resté sur le plancher des vaches.  Tout se passe comme si le temps s'écoulait d'autant moins vite que l'on est plus près d'une distribution de masse-énergie ( note 4).

Une autre prédiction remarquable de la théorie d'Einstein, illustrent le caractère "élastique" de l'espace-temps est l'existence d"'ondes de déformation" de la chrono-géométrie.  On peut démontrer à partir de l'équation fondamentale C = k.  qu'un changement localisé de la distribution  de masse-énergie cause non seulement un changement de la courbure d'espace-temps C au même point (d'espace-temps, c'est-à-dire au même point dans l'espace et au même moment), mais aussi un changement corrélé de la courbure d'espace-temps ailleurs dans l'espace-temps.  En fait, comme pour tout champ physique, une modification de la source de ce champ crée un "ébranlement" (une "mise en branle" du champ) qui se propage au loin, à partir de la source, dans toutes les directions.  Autrement dit une variation locale de la distribution de masse-énergie crée une "onde de déformation de l'espace-temps" qui se propage dans l'espace-temps.  On peut donc visualiser l'espace-temps comme une structure élastique dont les déformations locales se propagent au loin sous forme d'ondes.  On démontre que ces ondes de déformation de l'espace-temps se propagent à la même vitesse que les ondes de déformation du champ électromagnétique (c'est-à-dire à la vitesse de la lumière c = 299792458 mètres par seconde) (note 5).  A cause de l'identité entre le champ espace-temps et le champ gravitationnel, ces ondes s'appellent aussi "ondes gravitationnelles".  Par exemple, si deux étoiles (c'est-à-dire deux boules contenant une distribution volumique de masse-énergie) tournent l'une autour de l'autre, leur mouvement crée une déformation de la chrono-géométrie qui se propage au loin (en s'atténuant comme l'inverse de la distance).  On n'a pas encore détecté ce type d'ondes de déformation de l'espace-temps, mais d'ambitieux projets sont en construction (en particulier deux détecteurs aux USA, projet LIGO, et un détecteur franco-italien près de Pise, projet VIRGO) pour les détecter.  L'idée de base pour les détecter est de mesurer, en permanence, par interférométrie, la géométrie de petits triangles d'espace-temps sur Terre (dont deux côtés sont des rayons lumineux et dont le troisième côté est sur la ligne d'espace-temps d'un miroir séparateur) et d'attendre que cette géométrie soit perturbée par le passage d'une onde de déformation de la chrono-géométrie. [En termes moins précis mais plus simples on mesure, par échange de lumière, la distance entre plusieurs miroirs et on attend qu'une déformation de la géométrie fasse fluctuer cette distance.] On a confiance que ces ondes existent car l'étude expérimentale et théorique combinée du mouvement orbital de certains systèmes binaires d'étoiles mortes (pulsars binaires) a permis de vérifier avec grande précision le fait que l'interaction gravitationnelle entre les deux étoiles se propage, de l'une à l'autre, exactement avec les caractéristiques prédites par la théorie d'Einstein, et en particulier que leur vitesse de propagation est bien égale (à mieux que le millième) à la célérité de la lumière c.

Une troisième prédiction remarquable de l'espace-temps élastique d'Einstein est la possibilité d'une création continue d'espace.  C'est le concept d"'expansion de l'espace". Ce type d'espace-temps peut être "meublé" par une famille (infinie) d'observateurs dont le comportement relatif est inhabituel: chaque observateur (qui suit sa ligne d'univers et observe les autres observateurs en échangeant des rayons lumineux) trouve, en mesurant par effet Doppler la vitesse relative des autres observateurs, qu'à tout moment les observateurs dans son voisinage immédiat sont "en repos" par rapport à lui (vitesse relative quasi nulle).  Il se trouve donc dans une situation analogue à un automobiliste pris dans un gigantesque embouteillage, où tous ses voisins sont au repos par rapport à lui.  Notez bien que cette situation de repos relatif local est vraie pour tous les observateurs: pour chaque observateur, rien ne bouge autour de lui.  Et cependant, dans un tel espace-temps la distance entre deux observateurs (séparés d'une distance finie, et non plus infinitésimale) est toujours en train d'augmenter au cours du temps.  Donc les distances relatives globales finissent par augmenter, même si, à tout moment et partout, "rien ne bouge" localement.  Cette situation est réminiscente de ce passage du Parsifal de Wagner où le jeune Parsifal s'étonne de se voir parcourir des distances sans marcher et où le vieux Gurnemanz lui dit qu"'ici, mon fils, le Temps engendre l'Espace".  De même dans un espace-temps en expansion, le simple "passage du temps" engendre des, séparations spatiales de plus en plus grandes, en absence de vitesses relatives localement mesurables.  Une des grandes découvertes du 20 ième siècle a été le fait que notre univers à grande échelle est bien décrit par un tel espace-temps en expansion (introduit par Friedmann en 1922).  Un tel espace-temps a nécessairement commencé par un état où tout l'espace était plein d'un gaz ultra-chaud et ultra-dense (concept de "big bang chaud" introduit par Gamow dans les années 40).  Ce modèle du big bang chaud est confirmé par un grand nombre de données observationnelles.  Celles-ci montrent que tout l'espace a atteint dans le passé des températures supérieures au milliard de degré.  Il reste cependant à expliquer pourquoi et comment l'univers s'est trouvé, dans son passé, dans un tel état.

Une quatrième prédiction remarquable qui pousse à ses limites le concept einsteinien d'espace-temps élastique est le concept de trou noir (introduit par Oppenheimer à la fin des années 30).  Considérons une boule de matière sans pression interne (ou dont la pression interne est insuffisante pour empêcher son effondrement).  Par exemple, on peut imaginer une sphère remplie uniformément de matière froide, réduite en poussière.  En théorie newtonienne, l'auto-attraction gravitationnelle de cette boule de poussière va conduire à la faire s'effondrer sur elle-même, jusqu'à ce qu'elle devienne un point, de densité infinie, dans l'espace.  En théorie einsteinienne, il se passe quelque chose de complètement différent.  En s'effondrant, et donc en se densifiant, la boule de poussière va déformer localement de plus en plus (à cause de l'équation d'Einstein C = k.) la structure chrono-géométrique de l'espace-temps.  De plus cette déformation évolue elle-même dans l'espace-temps. 

On démontre alors, qu'à cause de cette déformation grandissante, il se passe deux choses différentes:

(i)     il se crée dans l'espace-temps, autour de la boule et dans son futur, une région d'espace-temps où la chrono-géométrie est si différente de la chrono-géométrie de Poincaré-Minkowski que les rayons lumineux, tout en continuant à se déplacer localement à la "vitesse de la lumière" c, n'arrivent plus à s'échapper et à partir vers l'infini, mais restent éternellement "piégés sur place" par cette structure déformée de l'espace-temps (concept de "surface du trou noir" d'où la lumière ne peut sortir), et

(ii)    en aval de cette structure (dans la direction de l'espace-temps où la boule continue à s'effondrer) l'effondrement de la boule crée un "big crunch", c'est-à-dire l'inverse temporel d'un big bang.  Un big crunch est une "fin des temps" dans laquelle tout l'espace intérieur au trou noir cesse d'exister "simultanément" après un temps d'évolution fini (qui est généralement très bref: par exemple pour une étoile de quelques masses solaires qui s'effondre, la fin des temps arrive en environ un millième de seconde). 

 

Finalement, le trou noir a un triple aspect:

(a) vu de l'extérieur c'est un centre d'attraction gravitationnelle qui a gardé tout l'effet gravitationnel de la masse-énergie qui s'est effondré,

(b) vu de la surface c'est une sphère où la lumière fait du surplace (ici c'est l'inverse de la phrase de Gurnemanz: la lumière va le plus vite possible, mais n'arrive pas à se déplacer), et

(c) vu de l'intérieur c'est une fin des temps très rapide qui concerne un espace de volume infini, bien que contenu dans une sphère de rayon fini!

On n'a pas encore de preuve observationnelle absolue que de tels objets, qui illustrent de façon dramatique le caractère élastique (jusqu'au déchirement dans le big crunch) de l'espace-temps einsteinien, existent dans notre univers.  Cependant beaucoup d'indications indirectes suggèrent qu'un très grand nombre de trous noirs existent dans l'univers, et même se forment continuellement lors de l'effondrement des étoiles les plus massives.  La première preuve observationnelle indiscutable de l'existence des trous noirs devra sans doute attendre l'observation des ondes de déformation de l'espace-temps (ondes gravitationnelles) engendrées lors de la formation d'un trou noir par fusion de deux étoiles mortes.

 

 

PRÉSENT ET FUTUR DE LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE

 

Précisons d'abord que la théorie de la relativité générale, qui est longtemps resté une belle construction intellectuelle manquant de contact avec la réalité et de vérifications expérimentales, est aujourd'hui une théorie très vivante, en prise avec la réalité et qui a été confirmée par beaucoup d'expériences de haute précision.  On a des confirmations expérimentales de la validité de la théorie d'Einstein dans plusieurs régimes:

(a) maintes expériences effectuées dans le système solaire (horloges atomiques, mouvement des planètes, déflexion de la lumière, retard gravitationnel des ondes radars, échos laser sur la Lune, ... ) ont confirmé (a mieux que 0.1%) que le régime "post-Newtonien" des faibles déformations de l'espace-temps était décrit par la relativité générale,

(b) le chronométrage de précision de certains pulsars binaires a pu aussi confirmer (à 0.3% près) le fait que les déformations d'espace-temps se propageaient à la vitesse de la lumière, et que la théorie d'Einstein décrivait correctement les fortes déformations de l'espace-temps qui règnent à la surface d'une étoile à neutron, enfin

 (c) tout un ensemble de données cosmologiques ne peuvent se comprendre et s'expliquer que dans le cadre de cette théorie. 

Il est important de réaliser que la plupart des vérifications expérimentales évoquées ci-dessus ne sont pas de simples confirmations qualitatives du fait que la théorie d'Einstein réussit mieux que la théorie de Newton à expliquer la gravitation.  Ce sont des mesures de haute précision qui concernent des prédictions très fines, et en même temps qualitativement profondes, obtenues après d'énormes efforts expérimentaux et théoriques.  En fait la théorie d'Einstein est une des théories les mieux vérifiées de la physique et les physiciens ont acquis la conviction qu'elle a définitivement remplacé tous les autres essais (considérés jusqu'à présent) de description théorique de la gravitation et qu'elle nous a fait accéder à un nouveau niveau de description et de compréhension de l'espace-temps et de la gravitation.  En outre, cette théorie est aujourd'hui partie intégrante de tout un ensemble de technologies de pointe qui ont beaucoup d'applications scientifiques ou pratiques.  Citons seulement un exemple: le système GPS (Global Positioning System).  Il s'agit d'une constellation de satellites circumterrestres qui transportent des horloges atomiques de haute stabilité, et émettent des signaux électromagnétiques.  En combinant l'information reçue de plusieurs satellites (qui véhicule en particulier le "temps propre" indiqué par l'horloge de bord du satellite), un observateur peut déterminer avec précision sa position dans l'espace-temps, n'importe où (sur Terre ou dans l'espace) et n'importe quand.  Ce système de localisation (mis en place par l'armée américaine) a de plus en plus d'applications pratiques importantes: par exemple pour la navigation aérienne ou maritime, ou, même, pour la « navigation » des automobiles privées.  Il est remarquable de penser que la description einsteinienne de la déformation de l'espace-temps par la masse de la Terre joue un rôle crucial dans les logiciels du GPS: en effet, la théorie d'Einstein nous dit que la "vitesse d'écoulement du temps" (par rapport à un référentiel stationnaire global) est différente à la hauteur du satellite et sur Terre.  Cet effet est seulement d'un milliardième (comme conséquence directe de l'équation C = k.) mais, si on ne le prenait pas en compte, il introduirait un dysfonctionnement inacceptablement grand (et augmentant continuellement avec le temps) dans le système GPS. [En effet, les performances de ce système reposent sur la haute stabilité des horloges embarquées, meilleure que 10-13, c'est-à-dire une stabilité 10 000 fois meilleure que le changement apparent de fréquence (10-9) du à la déformation de la chrono-géométrie.]

Bien que la théorie d'Einstein soit une des mieux vérifiées de la physique, les scientifiques continuent à concevoir et à planifier des tests nouveaux, ou encore plus fins, de cette théorie.  Par exemple, la NASA est en train de préparer une mission spatiale ("Gravity Probe B", ou "Relativity Mission") dont le but est d'observer, le plus directement possible, une prédiction de la relativité générale qui dit (intuitivement) que l'espace est non seulement "élastique", mais aussi "fluide" - Au 19ième siècle Foucault avait inventé à la fois le gyroscope et son célèbre pendule pour montrer, par des expériences retentissantes, que l'espace était "rigide" (espace absolu de Newton), au sens où, localement sur Terre, un gyroscope ou un pendule continue, malgré la rotation de la Terre, à (essayer de) s'aligner avec une direction "fixe" (ou un plan "fixe") dans « l’espace rigide absolu ».

Cependant, la théorie d'Einstein montre que l'espace n'est pas parfaitement rigide.  On démontre par des calculs (à partir de l'équation C = k.) que le fait que la Terre soit une boule de matière en rotation crée une déformation particulière de la chrono-géométrie de l'espace-temps autour de la Terre qui est analogue à l'effet « d’entraînement en rotation » qu'a une boule de matière tournant au milieu d'un fluide (ou, plus simplement, une cuiller tournant dans la soupe!): la rotation de la Terre "entraîne", d'une façon minime, tout l'espace autour d'elle à "tourner" comme le ferait un fluide.  Cette "rotation de l'espace" se traduit, de façon observable, par une violation des effets discutés par Foucault: en particulier, un gyroscope ne s'aligne plus avec une direction "fixe dans l'espace absolu", mais s'aligne à tout moment selon une direction qui est "entraînée", localement, par le mouvement de rotation de l'espace (lequel est lui-même "entraîné", à distance cette fois, par la rotation de la Terre).  Cet effet est très petit, mais devrait être observé en 2001 [retardé et lancé en 2004].  Intellectuellement, cette observation sera importante (comme le pendule de Foucault l'avait été) pour faire pénétrer dans la conscience d'un grand nombre de personnes l'un des aspects remarquables de la nouvelle conception einsteinienne d'un espace-temps déformable.

Si l'on jette un coup d'oeil plus loin dans le futur, l'avenir de la relativité générale semble être riche.  D'abord, il reste la tâche cruciale de vérifier directement deux des prédictions (discutées plus haut) les plus nouvelles de la théorie:

(1) l'existence d'ondes gravitationnelles, c'est-à-dire d'ondes de déformation de l'espace, arrivant sur Terre après avoir été émises, il y a très longtemps, dans des sources astrophysiques lointaines, et

(2) l'existence de trous noirs. 

On espère que les détecteurs interférométriques géants (ayant des bras de plusieurs kilomètres) actuellement en construction dans le monde (en particulier le projet franco-italien VIRGO) apporteront dans quelques années des preuves convaincantes de (1) et de (2).  Une autre classe de grands problèmes, où la relativité générale joue un rôle crucial, concerne la cosmologie, et en particulier la cosmologie primordiale.  Ici aussi, grâce en particulier à des missions spatiales, on espère avoir, dans les années qui viennent, une riche moisson de données observationnelles. 

Citons juste quelques mots clefs:

(i)     le problème de la "matière noire" [il semble que presque 90% de la matière pondérable répartie dans l'univers ne soit pas faite de matière ordinaire (comme les protons, les neutrons et les électrons) mais d'un nouveau type de particule],

(ii)    le problème de la "masse-énergie du vide" [il semble qu'environ 70% de la densité moyenne de masse-énergie p dans l'univers ne soit faite de matière pondérable (c'est-à-dire, d'après (i), surtout de particules non encore détectées de matière noire (note6)) mais doive être attribué aux propriétés quantiques du "vide" (c'est-à-dire de l'espace pur, en absence de particules réelles), et

(iii)  le problème de « l'origine du big bang » [pourquoi et comment le passé de l'univers est-il descriptible, avec très haute précision, comme un état de gaz en expansion ultra-chaud et ultra-dense remplissant tout l'espace? (note7).]

 

 

AU-DELÀ D’EINSTEIN

 

Pour finir, indiquons que l'un des plus grands défis de la physique fondamentale actuelle est celui de la compatibilité entre les deux grandes révolutions conceptuelles du 20ième siècle: la relativité générale d'un côté (due à Einstein, 1915) et la théorie quantique (due à Heisenberg, Born, Jordan, Schrödinger, Dirac et d'autres en 1925-1926).  La théorie quantique s'est développée durant tout le 20ième siècle et s'est révélée être le cadre nécessaire pour la description fine de la Matière et des Forces qui agissent sur elles.  En fait, la théorie quantique, indépendamment de la relativité générale, a elle aussi apporté des bouleversements profonds dans les vieilles catégories de la physique du 19ième siècle.  Ce n'est pas le lieu d'en parler en détail, mais disons simplement que la nouvelle catégorie de Champ Quantique (qui a émergé entre 1930 et 1950) est une unification profonde des anciennes catégories séparées de Force et de Matière, qui utilise, pour sa définition, la notion d'Espace-Temps d'Einstein-Poincaré-Minkowski.  A l'heure actuelle, toutes les particules élémentaires (quarks et leptons), et leurs interactions (électromagnétique, faible et forte) sont décrites comme exemples de cette nouvelle catégorie de Champ Quantique.  Seule, l'interaction gravitationnelle a exhibé une incompatibilité profonde avec la théorie quantique et ne peut pas, à l'heure actuelle, être décrit comme un "champ d'espace-temps quantique".  Il semble aujourd'hui probable que l'unification entre la relativité générale et la théorie quantique ne pourra se réaliser que dans le cadre d'une théorie quantique plus profonde que la théorie des champs quantiques.  Cette théorie plus profonde est actuellement en gestation, et porte (pour le moment) le nom de Théorie des Cordes Quantiques.  La nouvelle catégorie de Corde Quantique semble assez riche pour définir un cadre où seraient unifiées les 4 anciennes catégories d'Espace, de Temps, de Force et de Matière.  A un certain niveau d'approximation, la théorie des Cordes Quantiques décrit tout élément de la réalité physique comme étant la version quantique d'un mode de vibration d'une "corde" [c'est-à-dire d'un objet unidimensionnel muni d'une tension élastique, comme un petit "élastique" (en caoutchouc) dont la longueur au repos (en absence de tension) serait nulle]. 

On trouve de façon remarquable que si l'on "quantifie" une corde évoluant dans l'espace-temps "plat" de Poincaré-Minkowski, l'un des modes de vibration-propagation de la corde peut s'identifier à la version quantique d'une onde élémentaire de déformation de l'espace-temps, c'est-à-dire à une onde gravitationnelle de la relativité générale. 

Par certains aspects, la théorie des cordes quantiques semble être une généralisation profonde de l'idée centrale de la relativité générale: à savoir, l'idée qu'il ne peut pas y avoir de structure "rigide", donnée a priori, mais que toute structure physique est "élastique" et "déformable", c'est-à-dire est un champ dynamique.  En particulier, tout ce que la relativité générale avait encore supposé être "rigide" (notamment la valeur numérique de toutes les "constantes d'interaction" de la physique) semble, en théorie des cordes, devenir des champs dynamiques, qui peuvent être influés par le contenu matériel de l'univers.  Cette idée est d'ailleurs testable expérimentalement en réalisant des tests de très haute précision de la propriété fondamentale de la gravitation (selon, à la fois, Galilée, Newton et Einstein), à savoir qu'elle agit universellement sur la masse-énergie, de sorte que tous les corps "tombent", avec exactement la même accélération, dans un champ gravitationnel.  Des missions spatiales sont actuellement en préparation pour tester « l'universalité de la chute libre » à un niveau de précision mille fois, ou même un million de fois, supérieur à ce qu'on a vérifié aujourd'hui.  Si une de ces missions trouve une violation, même infinitésimale, de cette universalité de la chute libre (c'est-à-dire si elle trouve que deux corps différents tombent avec des accélérations légèrement différentes) on aura une indication très précise pour aller au-delà de la relativité générale et obtenir une description encore plus profondes ( note 8)  de la structure dynamique sous-tendant l'Espace-Temps et la Masse-Energie-Force-Matière.

Le 21ième siècle nous apportera donc peut-être (espérons-le) de nouveaux bouleversements de l'appareil conceptuel que l'homme utilise pour comprendre (et dominer) l'univers.  Il est cependant attristant de constater que malgré l'ancienneté des grandes révolutions conceptuelles du 20ième siècle (relativité restreinte 1905, relativité générale 1915, théorie quantique 1925-1930) la plupart de nos contemporains pensent et vivent le monde selon les cadres de pensée du 19ième siècle (qui eux-mêmes remontaient pour la plupart au 17ième siècle).  Par exemple, le fait que le passage du temps (le "maintenant") ne corresponde à rien dans la réalité physique, c'est-à-dire, pour reprendre une phrase d'Einstein au fils et à la soeur de Besso, que la "séparation entre passé, présent et avenir, ne garde que la valeur d'une illusion, si tenace soit elle" est un des messages importants des théories de la relativité qui est complètement ignoré de nos contemporains (ainsi que des vulgarisateurs de la science).

 

BIBLIOGRAPHIE SUCCINCTE

Historique

F.    Balibar, Einstein, la joie de la pensée, Découvertes Gallimard, Science.

 

A.    Einstein, La Relativité, Payot, Paris, 1990.

 

Exposés élémentaires

 

T.    Damour et S. Deser, article Relativité, Encyclopaedia Universalis, 1995.

 

R.    Hakim, Gravitation Relativiste, InterÉditions/CNRS Éditions, Paris, 1994.

 

J.    Schwinger, L'héritage d’Einstein, Pour la Science, Berlin, Paris, 1988.

 

Exposés avancés

 

L. Landau et E. Lifchitz, Théorie des Champs, Mir, Moscou, 1989.

 

C.W. Misner, K.S. Thorne et J.A. Wheeler, Gravitation, Freeman, San Francisco, 1973.

H.C. Ohanian et R. Ruffini, Gravitation and Spacetime, Second Edition, Norton, New York, 1994.

S. Weinberg, Gravitation and Cosmology, Wiley, New York, 1972.

 

Etat de la recherche

 

L'essentiel des travaux en cours (en anglais) en relativité générale peut être consulté (de façon gratuite) sur internet en se connectant aux diverses archives de http://xxx.lanl.gov/, et particulièrement l'archive gr-qc (General Relativity and Quantum Cosmology).  Accessibilité sur le site miroir français: http://xxx.Ipthe.jussieu.fr/

 

NOTES

 

Note 1 : Mathématiquement, alors que le théorème de Pythagore usuel conduit à écrire pour le carré de la distance d entre deux points de l'espace euclidien ordinaire (repérés par les coordonnées cartésiennes orthonormées (x, y, z) et (x +x, y +y, z +z) la formule = (x)² + (y)² + (z)², le théorème de Pythagore généralisé conduit à écrire que l'intervalle" (carré) séparant deux événements de l'espace-temps d'Einstein-Poincaré-Minkowski (repérés par des coordonnées lorentziennes (x, y, z, t) et (x +x, y + y, z +,z, t + t» s'écrit: = d²- c²(t)² = (x)² + (y)² + (z)² - c²(t)².

 

Note 2 : Pour les conoscenti, j'utilise ici les deux faits suivants: (i) le tenseur d'Einstein  s'introduit naturellement en notant que la moyenne de la courbure sectionnelle (de Gauss, K = C) sur l'ensemble des 2-plans orthogonaux à une certaine direction (unitaire)  d'espace-temps est proportionnelle à la composante  du tenseur d'Einstein  le long de

et (ii) l'équation tensorielle d'Einstein est équivalente à imposer l'équation scalaire  (où ,est la densité de masse-énergie dans le 3-espace orthogonal à ) pour une famille convenable de directions différentes (de genre temps, ).

 

Note3 : Mathématiquement, les mesures locales de durées dT et de longueur dL sont subsumées dans l'intervalle carré ds² = dL ²- c²dT² entre deux événements infiniment voisins de l'espace-temps (repérés par des coordonnées arbitraires (x0 = ct, , x1 =x, x2 =y, x3 = z ) et ( x0 +dx0, , x1 + dx1, x2 + dx2, x3 +dx3 ).  Cet intervalle carré est donné par une forme quadratique  où les coefficients  variables de point en point, définissent le "champ chrono-géométrique" (tenseur métrique).  La présence de matière  "déforme"  depuis son état de "repos" Minkowskien, où les  sont donnés par une matrice diagonale constante, avec - 1, +1, +1, +1 sur la diagonale.

 

Note 4 : En termes de représentation mathématique, le coefficient goo (x) mesurant la chronométrie (voir Note précédente) est déformé par rapport à sa valeur habituelle  G est la constante (de Newton) de la gravitation, M la masse de la Terre et r la distance au centre de la Terre.  Dans l'exemple considéré des jumeaux l'effet est très petit (une différence de vie d'environ une seconde sur 100 ans), mais il a été vérifié maintes fois en comparant des horloges atomiques.  On verra plus loin que cet effet dit "Einstein" a aujourd'hui d'importantes retombées pratiques (système GPS).

 

Note 5 : Pour un milieu élastique ordinaire (comme un solide- par exemple un bloc de métal) la vitesse de propagation des ondes élastiques augmente avec la rigidité du solide.  Quand on compare la vitesse c = 299792458 m/s des ondes élastiques de l'espace-temps avec la vitesse v d’environ  3000 m/s des ondes élastiques dans un solide typique on se rend compte que l'espace est une structure très rigide!

 

Note 6 : Pour éviter toute confusion entre (i) et (ii), précisons qu'il semble aujourd'hui probable que la densité totale (moyenne) de masse-énergie distribuée dans l'espace cosmologique se décompose en:  , approximativement, et pour donner une idée des ordres de grandeur,

 

Note 7 :  Notez que, contrairement à une idée très répandue, le big bang ne doit pas être décrit comme étant l'explosion d'une boule de matière dans un espace préexistant.  Le big bang occupe tout l'espace, et crée (selon le concept einsteinien d'espace-temps en expansion expliqué plus haut) lui-même, à tout moment, le surplus d'espace "dans lequel" il s'épand (comme une source d'eau qui sourdrait d'elle-même en créant un volume grandissant d'eau).

 

Note 8 : Précisons que, si cela arrive, cela ne voudra pas dire que la théorie de la relativité générale est "fausse".  On sait que cette théorie restera éternellement "vraie" dans le très large domaine expérimental où elle a été "vérifiée", et où elle a supplanté la théorie de Newton.  Mais, comme toujours en physique, il est possible que le domaine de validité de la relativité générale soit fini, et, qu'au-delà, il faille compléter ou modifier la théorie et utiliser une théorie plus profonde, qui contienne la théorie d'Einstein comme cas limite.

 

Index

Introduction

Avant la Relativité Générale

Le concept de champ espace temps

L’espace-temps élastique

Ralentissement du temps

Ondes gravitationnelles

Expansion de l’espace temps

Trous noirs

Présent et futur de la Relativité générale

Lense Thirring

Au delà d’Einstein

Cordes

Tradition